Essai Aprilia Shiver
Aprilia dont on connaît le palmarès s'adresse désormais au plus grand nombre avec une moto innovante et moins radicale
Il y a quelques jours, l'opportunité nous était donnée d'essayer l'une des nouveautés 2007 d'Aprilia : la 750 Shiver, un bicylindre longitudinal en V à 90° de 749.9 cm3. Avec ce nouveau modèle au nom plein de promesses (en anglais Shiver signifie frisson
), Aprilia entend se faire une petite place au soleil des roadsters naked
de moyenne cylindrée qui, comme beaucoup le savent, occupent un rang plus que confortable sur le marché européen.
Non loin de Venise, du côté de Noale, fief historique de la marque nous attendent les modèles de présérie destinés à l'essai. C'est en effet une version non définitive du nouveau roadster italien qui sera à cette occasion testée par quelques 190 journalistes du monde entier avant de recevoir les derniers réglages et ajustements qui permettront, dans les prochains mois, sa commercialisation.
Dès le premier contact strictement visuel avec la Shiver, il se passe quelque chose. Des dizaines de mètres nous séparent encore de la machine, qu'elle accroche déjà notre regard et en approchant, évidemment, ça se confirme. La petite italienne n'est pas une pâle copie d'un roadster existant, elle a sa propre identité visuelle et esthétique, et quelle identité !!! Son look fait l'unanimité. Dur le plan du design, elle est pressentie comme l'une des plus belles réussites cette année, au sein de la famille dans laquelle elle s'apprête à faire son entrée.
Il faut dire que, sous la direction d'Alberto Capella, designer de la marque, de gros moyens ont été investis. Il en résulte un design ultra réussi, quel que soit l'angle sous lequel on observe la Shiver. Chaque élément s'inscrit dans un ensemble compact et harmonieux. La ligne est anguleuse, sportive et agressive.
Rien ne semble avoir été laissé au hasard et rien ne détone, aussi subjectif que cela puisse paraître.
La forme géométrique la plus perceptible est le triangle. On retrouve cette forme sur la plupart des détails de la moto, et aussi dans les vues d'ensemble. A l'avant le dessin de l'optique se marie parfaitement avec le compteur qui le chapeaute, la forme des rétroviseurs, et les petits clignotants blancs, très discrets. A l'arrière, deux silencieux triangulaires occupent sans fausse note leur place sous la selle . Les jantes sont dotées de très fins bâtons. Le cadre agrémente encore le tableau. Il est mixte, tubulaire en treillis pour sa partie supérieure, et en aluminium d'un seul bloc pour sa partie inférieure. Aucun faux pas n'est à déplorer dans les finitions. L'ensemble est original et plutôt inédit, tout en finesse, et sans faute de goût.
Chose plutôt rare, côté look, aucun aspect de la jolie Shiver ne semble donner matière à de sérieuses polémiques. On est proche du zéro défaut. Inutile de vous dire que, compte tenu du sentiment qu'inspire la Shiver au premier coup d'oeil, la curiosité nous pique instantanément et l'impatience de prendre les commandes se fait vite ressentir.
Il est temps de se mettre en selle. On déchante légèrement, pour peu que la nature ne nous ait pas pourvu jambes suffisamment longues. Malgré une hauteur de selle de 810mm qui paraît accessible sur le papier, car dans les standards de la catégorie, du haut d'un modeste mètre soixante cinq, on est sur la pointe des orteils. Déception. La Shiver n'est certes pas très haute, mais la selle est large. Un léger déhancher est donc nécessaire pour pouvoir poser un pied à plat.
De fait, les premières manoeuvres, malgré la légèreté de la machine (189 kg à sec) s'avèrent quelque peu délicates, d'autant plus qu'on s'aperçoit très vite des limites du rayon de braquage. Le premier constat aux commandes est donc le suivant : pour ne pas menacer l'intégrité de cette si belle machine au hasard d'une malencontreuse perte d'équilibre, mieux vaut flirter avec le mètre soixante dix...
Positivons tout de même : lorsqu'on ne fait pas partie des élus en matière de taille, ce constat ne fait que renforcer l'impatience de démarrer, enclencher la première et placer une fois pour toutes ses pieds sur les repose-pieds.
Lorsqu'on réveille le bicylindre, on est d'abord surpris par l'absence de vibrations. La mise en route se fait tout en douceur et la sonorité qui s'échappe des deux silencieux est plutôt discrète tout en étant bien présente, grave et agréable, sans exubérance.
Le compteur s'allume au même moment et se révèle très complet. Sur la gauche, un compte-tours analogique, à droite un affichage digital pour diverses informations (évidemment la vitesse, le rapport engagé, la température extérieure, l'heure) complétées d'un témoin de réserve (pas de jauge). En allant plus loin dans les fonctions disponibles, le compteur devient un véritable ordinateur de bord délivrant de nombreuses informations supplémentaires : deux kilométrages journaliers, la vitesse maximum atteinte, la vitesse moyenne, la consommation moyenne et instantanée. Il est possible de choisir la langue dans laquelle s'affichent ces informations, de régler les contrastes d'affichage et même de modifier le régime maximum.
C'est donc tout un programme que nous propose la Shiver en matière d'électronique. Et ce n'est pas fini puisque la nouvelle Aprilia est également équipée d'une technologie déjà utilisée de longue date dans l'automobile mais toute nouvelle dans la moto : le Ride-By-Wire, une gestion totalement électronique de la poignée de gaz.
Lorsque le pilote tourne la poignée, ce système évalue la puissance qu'il est nécessaire de délivrer. Tout l'intérêt de ce système, qui ne manquera pas de se généraliser progressivement, réside dans la maîtrise de la consommation et de la pollution. Du point de vue des sensations de pilotage, le Ride-By-Wire a pour conséquence une très grande linéarité.
Dès les premiers tours de roue, le sentiment qui prédomine est la facilité. La position du pilote est très confortable. On est calé au creux d'une selle assez accueillante, le buste droit, les bras bien écartés. Les appuis au niveau des mains et des pieds ne souffrent d'aucun reproche. Le confort est au rendez-vous.
Quant au moteur, il adopte un comportement tellement souple et linéaire que ça peut en être surprenant pour peu qu'on se soit trop attendu à piloter une machine caractérielle et sportive. A bas régime, on ne sent aucun à-coup, la reprise est bonne sans être fulgurante. Les rapports s'enclenchent tranquillement jusqu'en sixième dans le cadre d'une conduite coulée et on atteint sans difficulté des vitesses soutenues sans s'en rendre vraiment compte. Toujours aucune vibration à signaler et une sonorité qui prend plus d'ampleur et devient plus rauque.Malgré l'absence de protection, en approchant les 130 km/heure, aucune gêne ne se fait ressentir.
La Shiver est très maniable, un vrai vélo, et se met sur l'angle très docilement. Elle enchaîne les grandes courbes sans hypothéquer une seule seconde la sérénité et le confort de son pilote, quelle que soit la qualité du revêtement.Le freinage est plus qu'efficace, et pour cause : il est confié à un double disque flottant de 320mm avec des étriers radiaux à 4 pistons pour l'avant et un simple disque de 245mm à l'arrière.
En revanche, si l'on souhaite intégrer plus de rythme sur routes très sinueuses, le bilan de l'essai est un peu plus mitigé. Les réactions du petit roadster ne favorisent pas encore l'excès de confiance. La linéarité du couple délivré ne facilite pas les enchaînements rapides et la gestion électronique de l'accélération, qui manque encore de précision, complique un peu les sorties de courbes sur un filet de gaz. Le manque de fermeté de la fourche fait facilement plonger la moto en entrée de courbe et nécessite un revêtement impeccable une fois sur l'angle pour éviter le guidonnage. Enfin la prise d'angle justement semble avoir des limites qu'on ne soupçonne pas au départ, compte tenu de la maniabilité. Au-delà de certaines limites, on sent une perte d'adhérence ou au moins que le grip devient plus hasardeux.
Dans le contexte de l'essai le duo n'a pas été testé. L'autonomie du réservoir n'a pas non plus été évaluée. Reste que la capacité de 15 litres affichée nous laisse espérer que la belle ne soit pas trop gourmande.
Pour résumer, inutile de se fier aux apparences, la Shiver n'est pas précisément ce qu'on pourrait appeler un roadster sportif. Elle sait délivrer toute la puissance, la maniabilité et le confort nécessaires pour se faire plaisir au quotidien. C'est une moto facile d'accès, pour débuter et pour pilotes non chevronnés.
Tout simplement, ce n'est pas parce qu'elle est estampillée du logo Aprilia qu'elle fera de vous un pilote de course. Et c'est précisément ce qui peut être déconcertant. Avec la 750 Shiver, Aprilia dont on connaît le palmarès, s'adresse désormais au plus grand nombre avec une moto moins radicale que celles auxquelles nous étions habituées, mais néanmoins fidèle à l'identité de la marque par son design exceptionnel et sa technologie.
Bilan essai Aprilia Shiver
Rappelons-le, c'est bel et bien un modèle de présérie que nous avons essayé au même titre que l'ensemble de la presse spécialisée. Il reste encore quelques mois au staff Aprilia, fort des remarques et critiques formulées par les journalistes, pour perfectionner la 750 Shiver. Les améliorations devraient notamment porter sur la technologie Ride-By-Wire, afin de la rendre plus précise, mais aussi sur l'ensemble de l'électronique pour en garantir la fiabilité. La fourche devrait également être raffermie. Un second test sera ensuite le bienvenu pour compléter ce premier essai.
La version aboutie de l'Aprilia 750 Shiver arrivera en concession en septembre et devrait être disponible aux alentours de 8000€. Pour séduire et convaincre les acheteurs, des efforts devraient être faits pour que chaque concessionnaire Aprilia dispose d'un modèle d'essai.
Les coloris disponibles seront dans un premier temps le modèle Silver Fever (modèle de l'essai), Black Competition et Cult White. Pour la fin de l'année sont annoncés le coloris Couture Blue et, sans certitude encore, le Apricot Orange. Il y aura donc du choix et quantité d'accessoires pour agrémenter la nouvelle Aprilia.
Crédit photos : Constructeur.