Essai Suzuki GSX 8S

Par Maya Camus le .

Dans la famille roadsters mid-sizes accessibles aux permis A2 : essai de la Suzuki GSX 8S ! Avec sa rivale Hornet 750, elle vient se frotter au best-seller MT-07 mais elle est aussi très attendue par un réseau en disette. Lourde tâche pour la Huitesse !

Essai Suzuki GSX 8S

2023 sera un grand cru pour la catégorie qui mène encore le marché français : les roadsters de moyenne cylindrée, entre 600 et 800 cm3, à vocation universelle, c'est-à-dire accessibles à la fois financièrement et par leur facilité de prise en main, même par des novices, tout en promettant une bonne dose de sensations. Chez les constructeurs japonais, la mission fut pendant longtemps remplie par des modèles 4-cylindres, jusqu'au pavé "twin CP2" jeté dans la mare par Yamaha avec la MT-07 en 2014. Il aura fallu presque dix ans à Honda et Suzuki pour réagir avec leurs Hornet 750 et GSX 8S en essai maintenant, Kawasaki ayant pu lutter jusqu'ici avec sa Z650, dont on pressent aujourd'hui la fin de la carrière. L'heure du twin parallèle a bel et bien sonné sur ce segment (et sur de nombreux autres d'ailleurs !), cette génération bi ayant presque relégué celle du 4-pattes aux archives des boomers, comme nous l'écrivions dans l'essai de la nouvelle Hornet il y a quelques semaines. En revanche, si Honda a opté pour la reprise du célèbre pseudonyme du frelon à 4 pistons, Suzuki conserve le GSX, l'alternance entre la lettre et le chiffre qui suivent devant suffire à marquer la perte de la moitié des cylindres. De quoi aussi marquer la différence avec la SV 650, qui demeure au catalogue avec son bicylindre en V historique. Quoi qu'il en soit, pour le constructeur d'Hamamatsu et son réseau de concessionnaires, ce nouveau roadster, accompagnée par son double en version trail V-Strom 800 DE, est porteur d'espoir : les chiffres de vente de Suzuki ne cessent de baisser sur le marché français depuis plusieurs années, en grande partie faute de nouveautés, la marque étant passé de la 4è place en 2012 avec 12 163 unités écoulées à la 10è place en 2022 avec 4 414 deux-roues de 125 cm3 et plus vendues...

Le dessin de l'optique rappelle les GSXS 1000 et 950

Votre mission, si vous l'acceptez...

La GSX 8S hérite donc d'une mission de la plus haute importance, mais le défi sera d'autant plus ardu à relever que le modèle pâtit d'emblée, même avant d'avoir fait ses preuves en dynamique, de la comparaison avec la Honda Hornet, intronisée depuis sa sortie comme la nouvelle référence du segment. Lors de la présentation et cet essai de la Suzuki GSX 8S, en ce début de mois d'avril à Antibes, difficile en effet de ne pas avoir à l'esprit la formule 10 ch de moins, 10 kg de plus, 1000 € plus cher que le frelon de la marque ailée... Pour autant, ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain, allons plutôt faire un peu joujou avec lui et barboter sur les petites routes de l'arrière-pays niçois : une fois n'est pas coutume, la solide réputation de la région pour son climat clément fut mise à mal, et dans les grandes largeurs, avec une température de 3° et une petite tempête de neige dans l'après-midi ! On pourrait se dire que décidément, le sort s'acharne sur les Bleus, toutefois bien que ces conditions délicates aient écourté la balade, elles ont aussi offert leur lot d'informations en complément de la bonne centaine de km parcourue sur le sec (mais bien au frais !) dans la matinée...

L'optique supérieure correspond aux feux de croisement. En pleins phares, l'autre led s'allume. C'est visible par les usagers mais qu'en est-il de l'éclairage nocturne ?

"Potentiel infini, plaisir sans limite"

S'il fallait s'en tenir au slogan choc du communiqué de presse de Suzuki, nous ne serions pas là pour deviser au sujet de cette Huitesse... Mais qu'il est difficile d'être le roi des roadsters ou du moins d'en avoir l'objectif ! Ainsi le marketing résume-t-il le cahier des charges soumis aux ingénieurs en charge du projet GSX 8S, un staff japonais d'ailleurs présent au complet à Antibes lors de cette présentation internationale (on leur avait promis la douceur de la Côte d'Azur, ils ont dû être déçus les pauvres !). Bon, en termes de potentiel infini, on peut déjà soulever la limite du design plutôt original, et de fait clivant. La double optique superposée (à leds, contrairement aux clignotants qui conservent des ampoules, il devait leur en rester en stock à écouler !) enserrée entre deux mâchoires confère une bonne dose d'agressivité à la GSX8S, et l'inscrit dans la nouvelle ère du design Suzuki, déjà étrennée sur les GSXS 1000 et 950, promesse de sportivité que le coloris bleu souligne encore davantage. Les lignes tendues des écopes y contribuent aussi, mais le reste demeure plutôt fluide et sans accroc, avec un arrière court qui évoque un peu celui d'une Triumph Trident. Sauf qu'ici le feu et les clignos arrière ainsi que la plaque d'immat sont soutenus par une longue bavette qui semble n'avoir qu'une vocation : être dégagée, et plus vite que ça ! D'ailleurs, Suzuki France y a tout de suite pourvu en demandant à Top Block de concevoir un bloc optique + support de plaque à installer en accessoire sous la selle (liste et tarif des options à venir !). Les finitions sont dans l'ensemble correctes pour le segment, le guidon à section variable, l'écran TFT couleurs ou le bras oscillant alu valorisants. Les différents éléments du moteur sont propres mais ne semblent pas former un tout, toutefois le radiateur est bien intégré, dissimulé par des caches plastique ajourés sur les côtés. Quant au silencieux d'échappement, il s'est presque fait la malle : on le distingue à peine tant il est rikiki ! Au moins, ça change des grosses gamelles bien moches auxquelles on a droit en général à ce niveau de gamme.

On voit ici assez bien l'espace important réservé au pilote pour bouger d'avant en arrière et de droite à gauche

Fine, cette 8S

Un petit lever de jambe et hop, on a posé son fessier sur une selle plutôt accueillante et peu élevée à 810 mm, les pieds touchent d'emblée le sol même pour les pilotes d'1,60 m grâce à une arcade bien fine à l'entrejambe. On est tout de suite à l'aise pour partir sur cet essai de la GSX8S, surtout que le réservoir est peu proéminent : contrairement à une Z650 ou une Hornet dans une moindre mesure, le pilote n'est pas encastré et domine le guidon, à la façon d'une MT-07. Pour ce faire, Suzuki a placé la boîte à air sous la selle, et non plus sous le réservoir, ce qui en outre offre une large amplitude de mouvement. Contact, l'écran s'allume avec le S stylisé de la marque, simple et propre quoique non dénué de reflets, une pichenette sur le démarreur assisté classique désormais chez Suzuki (tout comme le Low RPM Assist) et le twin parallèle prend vie, en toute discrétion. Petites rotations de la poignée ride by wire : les vocalises du moteur comme du pot de série ne dérangeront pas les passants, la présence sonore rappelle vaguement celle de la MT, mais en plus sobre. À main gauche, grâce à un commodo simple d'usage (les commandes, bien faites, sont identiques à celles des autres modèles récents de la gamme), on sélectionne facilement le mode de conduite B, médian (A offrant la réponse la plus vive à la poignée, C la plus adoucie) et on décolle en douceur, le guidon n'est pas trop large et revient suffisamment vers le pilote pour offrir une position assez détendue, les jambes sont fléchies sans excès (sauf pour les plus d'1,85 m, forcément) : la prise en main est intuitive, la 8S trouve tout de suite son équilibre à basse vitesse grâce à un centre de gravité assez bas, mais on sent tout de même ses 202 kg, et d'emblée un train avant bien posé sur sa jante chaussée en Dunlop Roadsport 2. Une monte d'origine dont peu d'entre nous, journalistes essayeurs, conservent un très bon souvenir, mais qui aurait ici bénéficié d'une nouvelle formule...

La selle pilote est vaste, mais revient peu sur le réservoir. Petits pincement des cuisses à prévoir !

Un bel équilibre

Petit tour en ville en toute docilité, les rues sont sèches, on passe en mode A, avec l'antipatinage sur le niveau 1 le moins intrusif (3 en tout) : réactivité maximale à main droite, le twin grimpe plus vivement dans les tours à bas régime et c'est plutôt sympa sans être affolant, toutefois on n'apprécie guère les petits à-coups que cela génère et ce n'est finalement pas plus efficace que le mode B. Sortie de rond-point, et zou, micro glissade de l'arrière... tiens tiens, Roadsport sors de ce corps ! Bon, il ne fait pas bien chaud et ça fait 10 min que nous sommes partis, pas de conclusion hâtive. On file vers les hauteurs dare dare, la pointe du pied débridée par le shifter up and down fourni de série (mais un peu résistant à la descente, mais l'embrayage assisté et anti-dribble offre son soutien) et les petits enchainements se succèdent : bien posée, avec un train avant précis et une fourche sereine, la 8S est agile mais rassure aussi par sa stabilité. Certes, avec son empattement plutôt conséquent et son pneu arrière de 180, elle n'est pas la plus vive du segment, surtout qu'elle est plus lourde que ses rivales. Une philosophie voulue par ses concepteurs, avec un nouveau cadre bien costaud où la boucle arrière est boulonnée : le châssis encaisse sans broncher, le pilote bouge sans aucune gêne et on regrette d'autant plus alors que l'amortisseur, comme de plus en plus souvent le cas même sur des motos au tarif flirtant avec les 9000 €, ne suive pas avec la même rigueur. Uniquement réglable en précharge (mais pas de clé ad hoc sous la selle, seulement deux clés BTR !?), il gigote plus ou moins gentiment à mesure que le rythme augmente et que le bitume se frippe. Rien de catastrophique pour un usage normal ceci dit, surtout que tout compte fait, les Roadsport une fois chauds n'ont pas démérité en apportant un grip honorable même sur chaussée humide, à défaut de remonter beaucoup d'informations.

Bonne idée le shifter up&down de série, mais une prise USB au guidon était peut-être plus indispensable...

Twin à lisser

Quant aux infos en provenance du moteur, une fois n'est pas coutume, les avis étaient bien partagés entre les essayeurs présents ! Mais ce qui est certain, c'est que ce twin de 776 cm3, calé à 270°, avec 83 ch et 78 Nm, que la 8S partage avec la V-Strom 800 DE, est efficace et docile, plutôt rond et souple, à défaut d'être démonstratif. Ce qui tranche un peu avec la vocation annoncée de ce roadster de la GSX8S : n'a-t-il pas d'abord été conçu pour le trail ? On regrette notamment le petit creux en reprise aux alentours de 5000 tours, alors que les bas régimes étaient plutôt joyeux, et certaines sorties de courbe sur le 3è rapport ont semblé à plusieurs d'entre nous laborieuses. Souple à souhait, il accepte sans mouffeter de descendre à 2000 tours en 6è (à 50 km/h), progresse ensuite sans mollir mais de façon très lisse jusqu'à 8000 tours (on évolue à 130 km/h en 6è à 5500 tours), puis un peu moins vaillamment pour atteindre la zone rouge à 10 000 tours : pas la moindre graine de folie ni évocation d'un caractère de V-twin comme le suggère le calage à 270°, mais plutôt une linéarité un peu électrique, efficace certes mais un peu fade selon nous au coeur d'un roadster annonçant du plaisir sans limite... Cette petite déception mise à part, il faut reconnaître qu'il saura satisfaire de nombreux motards, et que sa bienveillance, associée à une partie cycle bien équilibrée, sont appréciables au moment où les conditions météo se dégradent : on peut enrouler gentiment sur le couple sans avoir besoin de tricoter du pied gauche, le dosage précis des gaz à la poignée est salvateur : tempête de neige sur petites routes de montagne détrempées, même pas peur ! La conso à bon rythme s'est établie entre 5,7 et 6,5 l/100 km selon les pilotes du jour, soit une autonomie entre 245 et 215 km avec le réservoir de 14 petits litres. Et si le freinage avait donné toute satisfaction sur le sec, associant puissance dosable et feeeling (non sans titiller l'ABS, à mettre en rapport aussi à la température des pneus...), il n'a pas déçu non plus sous la pluie. La protection est évidemment inexistante ici, pas la peine de prendre l'autoroute pour savoir qu'on en prend plein la quiche, mais le confort est plutôt correct, nos fessiers ne se sont pas plaints de la selle, et surtout la 8S offre au pilote beaucoup d'espace pour adopter différentes positions en fonction des situations. Quant au duo, ma foi, vu le pouf dédié au passager, et l'absence de poignées...

Le moteur est un bicylindre parallèle comme la concurrence, et la VStrom 800 DE

Bilan essai Suzuki GSX 8S

Convenir à tout le monde sans occulter la nécessaire promesse de fun et tout en contenant le tarif final, telle est la quadrature du cercle en ligne de mire de tous les constructeurs sur ce segment hautement concurrentiel. Et Suzuki a relevé le défi à sa façon avec un certain mérite, toutefois cette Huitesse sans défaut rédhibitoire mais sans qualité affriolante non plus, va forcément se heurter à un écueil de taille : la très bien née Hornet, qui l'a précédée de quelques semaines décisives et à un prix plus léger de 1100 € (ramené à 900 € de moins après l'augmentation toute récente des tarifs Honda). Alors forcément sur cet essai de la GSX 8S, elle part avec un lest conséquent : moins puissante, plus lourde et plus chère que le vigoureux frelon, sans oublier la plus légère et moins onéreuse MT-07 qui demeure bien sûr dans le coup à 7 999 € (et 7 599 € en version Pure), ni l'orange pressée KTM 790 Duke à juste 100 € de plus, ni, dans une moindre mesure, la verte Kawa Z650 plus tout à fait à la page mais abordable à 7 799 €, la Suz va devoir lutter bec et ongles pour se faire sa place au soleil. Gageons que l'effet nouveauté sera de toutes façons bénéfique pour le réseau, et que les 2000 unités prévues pour l'année seront vendues à toute huitesse. C'est tout ce que nous lui souhaitons en tout cas !

Certes, je ne fais pas partie des %22grands%22 gabarits, mais la GSX-8S ne force pas sur les jambes

Fiche technique Suzuki GSX 8S

MarqueSuzuki
ModèleGSX 8S
Cylindrée800 cm3
Année2023
Tarif de8899 €
Conseillé au10/04/2023

Moteur

Cylindres2
Architectureen ligne
Cycle4 temps
Distributiondouble arbre à cames en tête
Soupapes par cylindre4
Refroidissementliquide
Cylindrée776 cm3
Alésage84 mm
Course70 mm
Rapport volumétrique11,5 :1
Huile3,9 L
Admissioninjection
Allumageélectronique
NormeEuro5
Démarreurélectrique

Electricité

Batterie12 V

Performances

Puissance61,1 kW
Puissance83 ch
Disponible à8500 tr/min
Couple78 Nm
Disponible à6800 tr/min
Consommation4,2 l / 100 km
CO299 g/km

Transmission

Embrayagemulti disques
Transmissionboîte
Rapports6
Secondairechaine

Châssis

Cadreacier
Bras oscillantdouble
Jantesbâtons

Suspension avant

Typefourche inversée
MarqueKYB
Diamètre41 mm
Débattement130 mm

Suspension arrière

Typemono amortisseur
MarqueKYB
Réglagesprécharge
Débattement130 mm

Frein avant

Type2 disques
Diamètre310 mm
Etrierradial
MarqueNissin
Pistons4

Frein arrière

Type1 disque
MarqueNissin
Piston(s)1

Pneu avant

Largeur120 mm
Hauteur70 mm
Diamètre17 pouces

Pneu arrière

Largeur180 mm
Hauteur55 mm
Diamètre17 pouces

Dimensions

Longueur2115 mm
Largeur775 mm
Hauteur1105 mm
Empattement1465 mm
Angle de chasse25 °
Chasse104 mm
Garde au sol145 mm
Hauteur de selle810 mm

Poids

Avec ABS202 kg
Conditionspleins faits

Capacité

Réservoir14 L

Données techniques et tarifs peuvent changer sans préavis. Vous trouverez des informations complémentaires et le dernier tarif sur le site officiel.

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